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Page:Rousseau - La Monongahéla, 1890.djvu/96

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La Monongahéla

avec sa manche, il toussa à deux ou trois reprises pour raffermir sa voix :

— Pour lors, mes caïmans, dit-il, il y a comme qui dirait vingt-deux ans que la chose est arrivée. Le vieux Bertrand n’était pas encore maître sur un vaisseau du roi, quoiqu’il eût fait déjà plus d’une campagne avec le vaillant commandant d’Iberville, le meilleur loup-de-mer qui se soit jamais bourlingué sur la mer jolie.

« Débarqué à Plaisance, dans cette île dont nous allons à la conquête, v’là qu’un jour il nous arrive cinq gros vaisseaux anglais qui mouillent dans la Baie sans seulement en demander la permission. M. de Brouillan, qui commandait dans le fort, n’avait que cinquante terriens à sa disposition, ce qui était bien peu pour résister à des matelots, fut-ce même des Anglais.

« Pour lors, il y avait dans la baie soixante matelots basques, des vrais gabiers quoi ! qui ne demandaient pas mieux que de se crocher avec l’anglais, histoire de s’entretenir la main. V’là que le commandant me fait appeler et qu’il me dit :

— Eh bien ! mon vieux marsouin ! qu’est-ce que tu dirais d’une petite promenade dans les broussailles que tu vois-la, la nuit prochaine, avec ces soixante braves ? Crois-tu qu’il serait alors facile aux Anglais d’y tenter un débarquement ?