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l’injustice, des préjugés de son père. Je l’aime, parce que je me souviens que si vous possédez encore aujourd’hui votre enfant, c’est à lui que vous le devez. Je l’aime comme il m’aime, d’un amour pur comme le sourire d’un ange ; je l’aime parce qu’il est sincère, vrai et bon, que son amour est sans subterfuges et sans hypocrisie ; je l’aime, et cependant je résisterai à cet amour que je ressens pour lui. Avant de me devoir à moi-même, je me dois à vous. Sur mon salut éternel ! je vous le jure ! je saurai demeurer digne du dévouement et de la reconnaissance que je vous dois. Cet amour est la torture de mon cœur, il sera mon malheur, mais jamais ma honte !…

— Claire…

— Ah ! laissez-moi vous le dire pour la première et la dernière fois. J’avais fait un rêve, quand j’ai senti battre mon cœur pour ce jeune homme qui est digne du sentiment qu’il m’a inspiré. J’avais rêvé une existence douce, tranquille à ros côtés avec lui, nous aimant tous deux de toutes les forces de nos âmes pour mieux vous chérir.

Et que m’importe, à moi, cette vie fastueuse que vous ambitionnez de me créer ? À quoi peuvent me servir ces hommages, cette grande considération du rang et de la fortune, si je rive mon existence à un homme qui m’est odieux !…