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Les Exploits d’Iberville

— Si la Fleur du Lac n’est pas ce soir la femme du chef, demain matin son père sera attaché au poteau de torture.

Et Tête d’Aigle, après avoir prononcé ces paroles d’un ton menaçant, s’éloigna, laissant la jeune fille frémissante et attérée.

Est-il possible de redire les angoisses d’Yvonne pendant cette affreuse nuit ! Pauvre victime innocente, allait-elle s’immoler ainsi par dévouement filial ? Mille morts plutôt qu’une vie d’opprobre et de crime !

À l’aurore, la jeune fille, vaincue par la fatigue et les émotions, s’était endormie près de la porte de la tente.

Tout à coup elle fut éveillée par des clameurs qui n’avaient rien d’humain. Elle sortit affolée et aperçut son père attaché à un arbre dépouillé de son écorce pour servir de poteau de supplice. Elle voulut s’élancer, mais deux robustes femmes se précipitèrent sur elle, et, après l’avoir bâillonnée, la ramenèrent dans la tente.

Cependant on se hâtait de faire les apprêts du supplice.

Les femmes taillèrent de minces éclats de frêne pour être introduits sous les ongles, d’autres préparèrent de la moëlle de sureau pour faire des mèches, tandis que les plus jeunes allaient dans la forêt chercher des morceaux de bois vert destinés à brûler à petit feu le condamné.