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Les Exploits d’Iberville

merveilleuse adresse, que tous effleurèrent le pauvre vieillard, sans lui faire autre chose que des égratignures.

Cependant son sang coulait, mais le vieux breton n’avait pas fermé les yeux, et, absorbé en lui-même, il priait avec ferveur pour son Yvonne adorée.

Les guerriers auxquels son corps servait de cible s’échauffaient peu à peu. La curiosité, l’envie de montrer leur adresse avait pris dans leur esprit la place de la pitié qu’ils avaient d’abord ressentie pour ce vieillard, si brave en face de la mort. Ils applaudissaient, avec de grands cris et des éclats de rire, aux prouesses des plus adroits.

En un mot, comme cela arrive toujours, aussi bien chez les peuples civilisés que parmi les barbares, le sang les grisait, leur amour-propre était en jeu ; chacun cherchait à surpasser celui qui l’avait précédé, toute autre considération était oubliée.

Quand tous eurent lancé leurs couteaux, un petit nombre des plus adroits tireurs de la tribu s’arma de fusils.

Cette fois, il fallait avoir un œil bien sûr, car une balle mal dirigée suffisait pour terminer le supplice et ravir aux assistants l’attrayant spectacle dont ils se promettaient tant de plaisir.

À chaque coup de feu, la pauvre victime épuisée, repliée sur elle-même, ne donnait signe de vie que par un frémissement nerveux qui agitait tout son corps.