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Les Exploits d’Iberville

d’une voix de stentor ce vieux refrain déjà fort en honneur à cette époque sous la misaine :

L’compas était démonté,
La coque allait en dérive,
Mais v’là la brise qu’arrive,
Rev’là le navire orienté.
Je naviguais sur mon erre
Et j’courais de mauvais bords,
V’là qu’on signale la terre,
J’mets les bonnett’ des deux bords.

Un tonnerre de cris, ou plutôt de vociférations couvrit la voix du chanteur au dernier vers.

— Silence, les vieux de la cale ! cria Kernouët.

Puis il reprit de la même voix de stentor le second couplet, en s’accompagnant sur son verre avec un couteau qu’il venait de saisir sur la table ;

Faut se lester la carène,
Veille à la soute aux biscuits !
Et quand les fayols sont cuits,
Faut mettre du lard à la traîne.
Largue en double les bonnettes !
Porte bien la toile au vent,
Navigue en grand et souvent,
T’auras tes patentes nettes !

Les cris, les vociférations redoublèrent avec accompagnement de piétinements sur le plancher qui firent voler des flots de poussière au plafond. Puis le silence s’étant rétabli :