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Les Exploits d’Iberville

jeune homme. Voulez-vous me permettre de vous parler de ma situation ? On songe sérieusement à faire de moi un père de famille et surtout de me faire faire une alliance riche et distinguée. C’est un bonheur dont je n’ai pas autant besoin que l’on croit.

— Je vous crois l’âme trop complète pour ne pas désirer connaître les plus ardentes, les plus saintes affections de la vie.

— Supposez tout ce que vous voudrez à cet égard, reprit Lewis, et reconnaissez dès lors que le choix de la mère de mes enfants est l’affaire la plus importante de ma vie. Eh ! bien, cette chose immense, ce choix sacré, pensez-vous que quelqu’un puisse le faire à ma place ? Admettez-vous que même mon excellente mère puisse s’éveiller un bon matin en disant : « Il y a de par le monde une demoiselle bien née, dont la fortune est considérable, et qui doit être la femme de mon fils, parce que mon mari, mes amis et moi trouvons la chose avantageuse et convenable. Mon fils ne la connaît pas, n’importe ! Elle ne lui plaira peut-être en aucune façon ; il lui déplaira peut-être également : n’importe encore ! Cela fera plaisir à sa famille et à tous les habitués de la maison. Il faudrait que mon fils fut dénaturé s’il ne sacrifiait pas sa répugnance à cette fantaisie. Et si mademoiselle Campbell s’avise de ne pas le trouver parfait, elle ne sera pas digne du nom qu’elle porte !… » Vous voyez bien, mon amie, que tout cela est insensé, et je m’étonne beaucoup si un seul instant vous avez pu le prendre au sérieux.