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Les Exploits d’Iberville

à vous convaincre de ma liberté d’esprit et du droit de ma conscience à cet égard. Je ne veux pas qu’une pensée comme celle-ci puisse exister en vous : Lewis Glen doit se marier pour de l’argent, de la considération et du crédit ! Oh ! cela, mon amie, je vous en supplie, ne le croyez jamais. Descendre à ce point dans votre estime serait un châtiment que je n’ai mérité par aucune faute, par aucun tort, ni envers vous, ni envers les miens. Je tiens aussi à ce que vous ne me fassiez, d’autre part, aucun reproche, s’il arrive que je me vois forcé de contrarier ouvertement les désirs de ma mère dans mon établissement. J’ai cru devoir vous dire tout ce qui me justifie d’une prétendue bizarrerie. Voulez-vous bien maintenant m’absoudre d’avance si j’ai tôt ou tard à déclarer à mes parents que je peux leur donner mon sang, ma vie, mon bonheur même, mais pas ma liberté morale et ma vérité intérieure, pas cela ! Oh ! cela, non, c’est à moi, et c’est le seul bien que je me réserve, cela vient de Dieu, et les hommes n’ont pas droit de me l’enlever !

En parlant ainsi, le jeune homme avait posé la main sur son cœur et le pressait avec force. Sa figure, à la fois énergique et charmante, exprimait une foi enthousiaste.

Yvonne, éperdue, eut peur d’avoir compris. Mais il fallait paraître ne pas supposer que Lewis Glen pût songer à elle. Outre les difficultés à surmonter auprès des parents du jeune homme, la jeune fille ne s’appartenait plus et le souvenir d’Urbain était toujours vivace dans son cœur et son esprit.