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Les Exploits d’Iberville

— Oui, je parlerai ! c’est le moment que j’attendais, et à ce moment-là je viens vous dire ceci : Ma mère adorée, je puis vous présenter une seconde fille aussi aimable et non moins pure que la première. J’aime avec passion depuis un an, depuis plus d’un an, la créature la plus parfaite. Elle l’a peut-être deviné, mais elle ne le sait pas ; j’ai tant de respect et d’estime pour elle, que je savais bien ne pouvoir jamais, sans votre consentement, obtenir le sien. Voilà d’ailleurs ce qu’elle m’a fait rigidement comprendre dans un entretien où mon secret allait m’échapper malgré moi, et je me suis de nouveau imposé le plus rigoureux silence avec elle jusqu’à ce que je puisse vous ouvrir mon cœur.

Votre sort, et celui d’Ellen est assuré, et convenablement riche moi-même, j’ai le droit de ne pas vouloir augmenter ma fortune et de me marier selon mon cœur.

Pourtant vous avez un sacrifice à faire, et votre amour maternel ne me le refusera pas, puisque tout le bonheur de ma vie en dépend. Cette personne appartient à une famille honorable, vous vous en êtes assurée vous-même en l’admettant dans votre intimité ; mais elle n’appartient pas à une de ces antiques illustrations pour lesquelles vous avez une partialité que je n’entends pas combattre. J’ai dit que vous aviez quelque chose à me sacrifier, le voulez-vous ? m’aimerez-vous à ce point-là ? Oui, ma mère, oui, votre cœur que je sens battre, va céder