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Page:Rousseau - Marceline, 1944.djvu/18

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MARCELINE.

encore était-il improbable qu’il se trouvât une seconde fois deux maisons libres à côté l’une de l’autre et convenant également à leurs deux ménages. — Et Laure n’y avait pas pensé ! « Pourquoi n’ai-je pas poussé Octave à résilier ce bail ? J’aurais pu dire ceci et cela… peut-être est-il trop tard — mais s’il n’est pas trop tard… » Laure rougit d’émotion. Une occasion s’offrait à elle d’exercer ses forces contre des puissances qui, peut-être, n’étaient pas invincibles. C’était comme une brèche dans un mur ou comme la lime entre les mains du prisonnier. Si elle s’y prenait habilement…

À ce moment une dame d’une cinquantaine d’années, emmitouflée dans une ample mante de ratine, coiffée d’un chapeau masculin et le nez chaussé de lunettes s’arrêta devant Laure et lui toucha l’épaule amicalement. C’était Mademoiselle Anna Loise, une vieille amie de ses parents et la seule personne à qui la jeune femme eût confié quelques-unes de ses peines intimes. Mlle Loise qui, d’autre part, connaissait les Moissy depuis nombre d’années, ne cachait pas à Laure le peu d’estime que lui inspirait sa belle-mère. Laure la considérait un peu comme une alliée. Elle s’exclama, avec un étonnement joyeux :

— Mademoiselle Anna ! Comme je suis heureuse de vous voir !

— Ma petite, tu trottes comme une souris ! J’ai cru que tu allais m’échapper. Et s’il n’y avait pas eu ces séduisants gâteaux…

Et comme Laure niait, en riant, avoir été séduite par les gâteaux :

— Ma chère, je t’avouerai que j’en mangerais volontiers quelques-uns. Entrons. Je t’invite à goûter.

La pâtisserie n’était pas élégante. Elle n’offrait aux consommateurs qu’une petite chambre à demi