Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cilement à l’air maussade et pédantesque que l’auteur de la réponse leur veut donner. Mais passons-lui cet antécédent ; accordons, s’il le faut, que les savants, les poètes et les beaux esprits, sont tous également ridicules ; que messieurs de l’académie des belles-lettres, messieurs de l’académie des sciences, messieurs de l’académie française, sont des gens grossiers, qui ne connaissent ni le ton, ni les usages du monde, et exclus par état de la bonne compagnie ; l’auteur gagnera peu de chose à cela, et n’en sera pas plus en droit de nier que la politesse et l’urbanité qui règnent parmi nous soient l’effet du bon goût, puisé d’abord chez les anciens, et répandu parmi les peuples de l’Europe par les livres agréables qu’on y publie de toutes parts[1]. Comme les meilleurs maîtres à danser ne sont pas toujours les gens qui se présentent le mieux, on peut donner de très-bonnes leçons de politesse sans vouloir ou pouvoir être fort poli soi-même. Ces pesants commentateurs, qu’on nous dit qui

  1. Quand il est question d’objets aussi généraux que les mœurs et les manières d’un peuple, il faut prendre garde de ne pas toujours rétrécir ses vues sur des exemples particuliers. Ce serait le moyen de ne jamais apercevoir les sources des choses. Pour savoir si j’ai raison d’attribuer la politesse à la culture des lettres, il ne faut pas chercher si un savant ou un autre sont des gens polis, mais il faut examiner les rapports qui peuvent être entre la littérature et la politesse, et voir ensuite quels sont les peuples chez lesquels ces choses se sont trouvées réunies ou séparées. J’en dis autant du luxe, de la liberté, et de toutes les autres choses qui influent sur les mœurs d’une nation, et sur lesquelles j’entends faire chaque jour tant de pitoyables raisonnements. Examiner tout cela en petit, et sur quelques individus, ce n’est pas philosopher, c’est perdre son temps et ses réflexions, car on peut connaître à fond Pierre ou Jacques, et avoir fait très-peu de progrès dans la connaissance des hommes.