Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/190

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j’en ai moi-même à apercevoir d’honnêtes gens à travers la pompe des autres. On oppose Titus à Fabricius, mais on a omis cette différence, qu’au temps de Pyrrhus tous les Romains étaient des Fabricius, au lieu que sous le règne de Tite il n’y avait que lui seul d’homme de bien[1]. J’oublierai, si l’on veut, les actions héroïques des premiers Romains et les crimes des derniers : mais ce que je ne saurais oublier, c’est que la vertu était honorée des uns et méprisée des autres ; et que, quand il y avait des couronnes pour les vainqueurs des jeux du cirque, il n’y en avait plus pour celui qui sauvait la vie à un citoyen. Qu’on ne croie pas au reste que ceci soit particulier à Rome. Il fut un temps où la république d’Athènes était assez riche pour dépenser des sommes immenses à ses spectacles, et pour payer très-chèrement les auteurs, les comédiens, et même les spectateurs : ce même temps fut celui où il ne se trouva point d’argent pour défendre l’état contre les entreprises de Philippe.

On vient enfin aux peuples modernes ; et je n’ai garde de suivre les raisonnements qu’on juge à propos de faire à ce sujet. Je remarquerai seulement que c’est un avantage peu honorable que

  1. Si Titus n’eût été empereur, nous n’aurions jamais entendu parler de lui, car il eût continué de vivre comme les autres ; et il ne devint homme de bien que quand, cessant de recevoir l’exemple de son siècle, il lui fut permis d’en donner un meilleur. Privatus atque etiam sub patre principe, ne odio quidem, nedum vituperatione publica, caruit. (Suet. in Tit., cap. i.) At illi ea fama pro bono cessit, conversaque est in maximas laudes. Id. cap. 7.