Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/267

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tudes ont pu dépraver, mais qu’elles n’ont pu détruire. Il y a, je le sens, un âge auquel l’homme individuel voudrait s’arrêter : tu chercheras l’âge auquel tu désirerais que ton espèce se fût arrêtée. Mécontent de ton état présent par des raisons qui annoncent à ta postérité malheureuse de plus grands mécontentements encore, peut-être voudrais-tu pouvoir rétrograder ; et ce sentiment doit faire l’éloge de tes premiers aïeux, la critique de tes contemporains, et l’effroi de ceux qui auront le malheur de vivre après toi.

PREMIÈRE PARTIE.

Quelque important qu’il soit, pour bien juger de l’état naturel de l’homme, de le considérer dès son origine et de l’examiner, pour ainsi dire, dans le premier embryon de l’espèce, je ne suivrai point son organisation à travers ses développements successifs : je ne m’arrêterai pas à rechercher dans le système animal ce qu’il put être au commencement pour devenir enfin ce qu’il est. Je n’examinerai pas si, comme le pense Aristote, ses ongles allongés ne furent point d’abord des griffes crochues ; s’il n’était point velu comme un ours ; et si, marchant à quatre pieds (Note 3), ses regards dirigés vers la terre, et bornés à un horizon de quelques pas, ne marquaient point à la fois le caractère et les limites de ses idées. Je ne pourrais former sur ce sujet que des conjectures vagues et presque imaginaires. L’anatomie comparée a fait encore trop peu de progrès, les obser-