Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/273

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peu, le besoin d’aliments diminue avec la faculté d’y pourvoir ; et comme la vie sauvage éloigne d’eux la goutte et les rhumatismes, et que la vieillesse est de tous les maux celui que les secours humains peuvent le moins soulager, ils s’éteignent enfin, sans qu’on s’aperçoive qu’ils cessent d’être, et presque sans s’en apercevoir eux-mêmes. À l’égard des maladies, je ne répèterai point les vaines et fausses déclamations que font contre la médecine la plupart des gens en santé ; mais je demanderai s’il y a quelque observation solide de laquelle on puisse conclure que, dans les pays où cet art est le plus négligé, la vie moyenne de l’homme soit plus courte que dans ceux où il est cultivé avec le plus de soin. Et comment cela pourrait-il être, si nous nous donnons plus de maux que la médecine ne peut nous fournir de remèdes ? L’extrême inégalité dans la manière de vivre, l’excès d’oisiveté dans les uns, l’excès de travail dans les autres, la facilité d’irriter et de satisfaire nos appétits et notre sensualité, les aliments trop recherchés des riches, qui les nourrissent de sucs échauffants et les accablent d’indigestions, la mauvaise nourriture des pauvres, dont ils manquent même le plus souvent, et dont le défaut les porte à surcharger avidement leur estomac dans l’occasion, les veilles, les excès de toute espèce, les transports immodérés de toutes les passions, les fatigues et l’épuisement d’esprit, les chagrins et les peines sans nombre qu’on éprouve dans tous les états, et dont les âmes sont perpétuellement rongées : voilà les