Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/292

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il s’ensuit que les premiers substantifs n’ont pu jamais être que des noms propres.

Mais lorsque, par des moyens que je ne conçois pas, nos nouveaux grammairiens commencèrent à étendre leurs idées et à généraliser leurs mots, l’ignorance des inventeurs dut assujettir cette méthode à des bornes fort étroites ; et comme ils avaient d’abord trop multiplié les noms des individus faute de connaître les genres et les espèces, ils firent ensuite trop peu d’espèces et de genres faute d’avoir considéré les êtres par toutes leurs différences. Pour pousser les divisions assez loin, il eût fallu plus d’expérience et de lumière qu’ils n’en pouvaient avoir, et plus de recherches et de travail qu’ils n’y en voulaient employer. Or si, même aujourd’hui, l’on découvre chaque jour de nouvelles espèces qui avaient échappé jusqu’ici à toutes nos observations, qu’on pense combien il dut s’en dérober à des hommes qui ne jugeaient des choses que sur le premier aspect ! Quant aux classes primitives et aux notions les plus générales, il est superflu d’ajouter qu’elles durent leur échapper encore : comment, par exemple, auraient-ils imaginé ou entendu les mots de matière, d’esprit, de substance, de mode, de figure, de mouvement, puisque nos philosophes qui s’en servent depuis si longtemps ont bien de la peine à les entendre eux-mêmes, et que les idées qu’on attache à ces mots étant purement métaphysiques, ils n’en trouvaient aucun modèle dans la nature ? Je m’arrête à ces premiers pas, et je supplie mes