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Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/388

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comme il le prétend, dans le pur état de nature la femme est pour l’ordinaire derechef grosse et fait un nouvel enfant longtemps avant que le précédent puisse pourvoir lui-même à ses besoins, il faudrait des expériences qu’assurément Locke n’avait pas faites et que personne n’est à portée de faire. La cohabitation continuelle du mari et de la femme est une occasion si prochaine de s’exposer à une nouvelle grossesse qu’il est bien difficile de croire que la rencontre fortuite ou la seule impulsion du tempérament produisît des effets aussi fréquents dans le pur état de nature que dans celui de la société conjugale ; lenteur qui contribuerait peut-être à rendre les enfants plus robustes, et qui d’ailleurs pourrait être compensée par la faculté de concevoir, prolongée dans un plus grand âge chez les femmes qui en auraient moins abusé dans leur jeunesse. À l’égard des enfants, il y a bien des raisons de croire que leurs forces et leurs organes se développèrent plus tard parmi nous qu’ils ne faisaient dans l’état primitif dont je parle. La faiblesse originelle qu’ils tirent de la constitution des parents, les soins qu’on prend d’envelopper et gêner tous leurs membres, la mollesse dans laquelle ils sont élevés, peut-être l’usage d’un autre lait que celui de leur mère, tout contrarie et retarde en eux les premiers progrès de la nature. L’application qu’on les oblige de donner à mille choses sur lesquelles on fixe continuellement leur attention, tandis qu’on ne donne aucun exercice à leurs forces corporelles, peut encore faire une diversion considérable à leur accroissement ; de sorte que, si au lieu de surcharger et fatiguer d’abord leurs esprits de mille manières, on laissait exercer leurs corps aux mouvements continuels que la nature semble leur demander, il est à croire qu’ils seraient beaucoup plus tôt en état de marcher, d’agir et de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins.

d. Enfin M. Locke prouve tout au plus qu’il pourrait bien y avoir dans l’homme un motif de demeurer attaché à la femme lorsqu’elle a un enfant ; mais il ne prouve nullement qu’il a dû s’y attacher avant l’accouchement et pendant les neuf mois de la grossesse. Si telle femme est indifférente à l’homme pendant ces neuf mois, si même elle lui devient inconnue, pourquoi la secourra-t-il après l’accouchement ? pourquoi lui aidera-t-il à élever