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faveur des femmes de Mâhiṣmatî, la capitale du vertueux Nîla. Le dieu Agni, ayant épousé la fille de ce prince, autorisa les femmes de cette ville à s’unir à qui bon leur semblerait, sans avoir de maris attitrés[1]. La glose est formelle, une femme pouvait s’unir à tout homme à qui elle inspirait le feu de la passion. Une telle promiscuité ne pouvait se recommander que d’Agni, le dieu du feu et conséquemment celui des ardeurs passionnées. L’Inde n’échappa donc pas toujours à la contagion qui porta les idolâtres à déifier les penchants de la nature, et pourtant sa morale parut supérieure à celle de la plupart des autres nations païennes.

Nous aurions voulu pouvoir lire autrement ce passage du Mahâbhârata et l’entendre de la liberté complète qu’auraient eue les femmes de Mâhiṣmatî de se choisir des époux, sans préjudice de la stabilité des unions, mais la glose nous l’interdit. L’Hindou Pratap traduit lui-même ce çloka de la façon suivante :

« Agni by bis boon granted them sexual liberty, so that the women of that town always roam about at will, each unconfined to a particular husband »[2].

Karṇa qui tout-à-l’heure rappelait que la polyandrie était défendue par les Dieux, engageait Draupadi à se choisir un époux parmi les fils de Dṛhtarâṣṭra, Yudhiṣṭhira ayant perdu au jeu de dés tout ce qu’il avait, jusqu’à sa liberté ainsi que celle de ses frères et de Draupadi elle-même. Pour l’y décider il lui tint ce langage :

Sache bien qu’une femme, surtout si elle est esclave, ne saurait être blâmée du libre choix qu’elle fait d’un mari »[3].

  1. XXXI, 38.
  2. p. 90 de sa traduction du Sabhâ-Parvan.
  3. LXXI, 3.