Page:Roussel - Idées religieuses et sociales de l’Inde ancienne.djvu/61

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morigénait la gent volatile. — Pratiquez la justice, ne commettez point l’iniquité — tel était son langage constant. Les oiseaux l’écoutaient, ô Bhîṣma, en toute bonne foi ! Et courant le long des flots, ils lui apportaient sa nourriture, par amour pour la vertu, ainsi qu’on le raconte. Pendant que, pour lui procurer des vivres, ils plongeaient ainsi de côté et d’autre dans la mer, ils laissaient leurs œufs à sa garde. Mais le cygne perfide, abusant de leur imprudente (confiance), et ne s’occupant que de ses intérêts, dévorait leurs œufs. Comme ceux-ci diminuaient de jour en jour, l’un de ces oiseaux, doué d’un grand sens, soupçonna (la vérité) et s’assura du fait. Pénétré de la plus vive douleur, il dénonça aux autres le pervers. À leur tour ils le surprirent en flagrant délit. Ils tuèrent l’hypocrite. Puissent ces rois, dans leur indignation, te faire périr aussi, comme les oiseaux le cygne dont tu imites la fourberie »[1] !

Çiçupâla joue ici sur le mot ham̃sa qui signifie à la fois Cygne, ou héron de mer, et sage, sans doute parce que le sage plane dans les sphères supérieures de la pensée, comme cet oiseau plane au haut des airs. Il reproche à Bhîṣma de feindre la sagesse la plus profonde, pour mieux couvrir ses desseins perfides. Il conclut en tirant lui-même la moralité de son apologue :

« Lorsque ton cœur est en proie (au désir, etc.), tu prêches (la vertu), ô volatile inique ; mais, en mangeant les œufs (des autres oiseaux), tu détruis l’effet de tes paroles »[2].

Déjà le prince des Cedis, en veine de moraliser, avait rappelé à son interlocuteur un autre apologue, celui du

  1. XLI, 31-39.
  2. XLI, 41.