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reculerait-il devant une provocation ? Je jouerai (de nouveau) avec toi, ô Çakuni »[1].

Que lui restait-il, cependant, comme enjeu ? Il avait tout perdu jusqu’à sa liberté, celle de ses frères et celle même de Draupadî, ce qui avait donné lieu au très intéressant cas de conscience dont nous avons parlé précédemment. Çakuni qui s’était préalablement entendu avec Duryodhana et ses frères découvrit un nouvel enjeu ; ce fut, pour les perdants[2], un exil de douze années dans la forêt ; ils devraient passer la treizième année incognito dans un lieu habité[3]. Yudhiṣṭhira accepta et… perdit.

Les Pâṇḍavas se retirèrent dans les bois et le Vana Parvan qui suit le Sabhâ Parvan raconte leur exil sylvestre. Nous les y suivrons plus tard, lorsque nous étudierons ce livre.

Cette fameuse partie de dés sur laquelle le poète nous a retenus si longtemps révèle l’une des plus violentes passions de ces anciens peuples de l’Orient : celle du jeu. La fourberie, l’astuce, le mensonge, etc. sont ses accessoires obligés. Yudhiṣṭhira disait à son rusé partner :

« Les Aryas n’empruntent pas le langage des Mlecchas, ni leur conduite perfide »[4].

Il jugeait les autres par lui-même, cet excellent fils de Pâṇḍu ; mais Çakuni devait lui prouver jusqu’à l’évidence que les Aryas ou Aryens n’abandonnaient pas aux autres peuples le monopole de la perfidie. Du moins voit-on percer dans cette phrase le mépris des Hindous pour l’étranger, défaut commun à toutes les nations.

  1. LXXVI, 20.
  2. Pâṇḍavas ou Kurus.
  3. Id. 23.
  4. LIX, 11.