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son éloignement, enlevait Sitâ, son épouse, et l’emportait dans Lañkâ[1].

Le narrateur du Mahâbhârata ajoute :

« Ordinairement, ceux qui sont voués au malheur perdent le sens »[2].

C’est absolument la pensée du proverbe latin attribué fréquemment à Horace, et composé par Boissonnade, d’après un passage d’Euripide, il est vrai : « Quos vult perdere Jupiter dementat ».

Yaiçampâyana citait l’exemple du sage Yudhiṣṭhira qui s’obstinait à jouer aux dés, bien qu’il sût que ce jeu lui dût être funeste et qu’il avait affaire, dans Çakuni, à un partner aussi déloyal qu’habile.

Le sort en était jeté et l’aîné des Pâṇḍavas, dans la conviction, sans doute, que cela lui était impossible, ne cherchait pas à s’y soustraire.

De même Droṇa disait aux Kurus avec l'accent de la douleur et de la résignation :

« Peut-il y avoir, dans ce monde, ô Kauravas, rien de plus terrible (pour moi) que cette parole : Dhṛṣṭadyumna est le meurtrier né de Droṇa »[3].

En conséquence, il les engageait à s’occuper de leurs intérêts, sans s’inquiéter des siens. Puisqu’il était condamné à périr sous les coups du frère de Draupadî, il subirait sa destinée ; c’était à eux d’aviser à leur propre salut. Mais Duryodhana ne voulut rien entendre ; et le poète de redire par la bouche de Samjaya la maxime fataliste que tout-à-l’heure il plaçait sur les lèvres de Yaiçampâyana :

  1. Cf. Râm. III, 43 et suiv. ; Bhâg. Pur. 9, X, 10 et seq. Lañkâ est le nom légendaire de Ceylan.
  2. LXXVI, 5.
  3. LXXX, 47 et 48.