Page:Roussel - La Doublure, 1897.djvu/269

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Moi-même ; comme ça, ça fait que si je bute
Et que je fasse avant d’arriver la culbute,
Je ne serai pas seule au moins, et tu me suis. »
Elle ajoute, marchant sur des galets : « J’y suis !
Ah ! c’est bon de sentir sous ses deux pieds, au terme
D’un voyage aussi dur que ça, la terre ferme,
Surtout après avoir eu tant d’émotions ;
Nous nous en sommes bien tirés, hein ? nous étions
Faits, vois-tu, tous les deux, pour habiter la Suisse ;
Mais j’y songe à présent, dis donc, crois-tu qu’on puisse
Remonter aussi bien qu’on descend ? sans cela
Nous serions obligés de passer la nuit là,
Pourtant si nous allions être pris par la lame ? »
Gaspard, se rapprochant d’elle, dit : « Oui, madame,
Certainement, je vous promets que nous pourrons
Remonter, j’en suis sûr, et que nous ne mourrons
Pas ici, cette fois encore, je vous jure. »
Il la fixe, en parlant tout près de sa figure,
Puis, avec ses deux mains, doucement il lui prend
La tête, lui donnant un baiser qu’elle rend