Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/199

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Advienne que pourra, bonsoir ! » Forcément chaste,
Il voit, les bras croisés, sa jeunesse s’enfuir
À tire d’aile, sans espoir de la cueillir.
Quand il rencontre dans l’ombre un couple nocturne,
Il soupire, devient renfermé, taciturne,
Et même, s’il est seul, étouffe des sanglots
Qui lui montent à la gorge, déchirants, gros ;
Il contient ses désirs, tâche de les éteindre.
Sa mère résignée, acceptant tout sans geindre,
Prend mille peines pour apporter son écot
Dans le maigre budget ; elle fait du tricot,
S’occupe seule du ménage, raccommode,
Recherche les achats au meilleur compte, brode.
Elle ragaillardit son fils, lui rend l’espoir,
Quand il s’acharne trop à triturer du noir ;
Elle souffre de ses longs tourments, elle l’aime,
Voudrait sa joie… Ils sont tous deux du pays même
Et contrastent avec l’élément étranger ;
Ils supposent toujours que leur sort va changer,
Attendent, au milieu de leurs tracas, l’aurore