Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/236

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On le conduit avec douceur et par la main,
Après quelques adroits détours, sur le terrain
De ses souvenirs pleins d’événements ; sans rire
On l’amène, en prenant un air sot, à redire
Pour la centième fois tel célèbre incident
Dont il fut le premier et discret confident ;
Il se prend à merveille au piège, marche ferme,
N’omet pas un détail, ne change pas un terme,
Rabâche sur un ton protecteur, assuré,
L’histoire que d’avance on a gaîment juré
De lui faire enfiler jusqu’au bout. Il exulte
Quand, l’attirant seul à l’écart, on le consulte ;
Il répond du premier coup, ajoutant plus bas
Qu’il saura toujours vous tirer d’un mauvais pas.
Il coupe brusquement la parole, professe
Au hasard sur tous les points, pérore sans cesse.
On aime lui donner un formel démenti
Quand il s’est pendant trois quarts d’heure appesanti
Sur une question qu’il croyait sans contrôle ;
Sa contenance du premier moment est drôle,