Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/241

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Il le rudoie un peu, réveille en lui la fibre
De l’amour paternel, lui dit qu’il n’est pas libre
De disposer à la légère de ses jours ;
Prudemment il aborde, après mille détours,
La question brûlante et scabreuse entre toutes
D’un rapide secours d’argent ; il a des doutes
Sur l’à-propos et sur l’imminent résultat
De sa démarche ; il craint une insulte, un éclat,
Prend des précautions, évite avec angoisse
Le mot trop violent qui rabaisse et qui froisse ;
Il croit toujours que l’autre, en comprenant soudain
Qu’on l’accuse d’avoir voulu tendre la main,
Va se lever et dire : « Ah ça ! mais pour qui diantre
Me prenez-vous ? » tout en se boutonnant ; il entre
Dans les détails de mille incidents étrangers
À l’affaire, voulant reculer les dangers
De l’explication ; enfin, en vrai timide,
Il prend brusquement son élan et se décide ;
Baissant les yeux devant ceux de l’homme, il lui dit
Qu’il tient à mettre sa fortune et son crédit