Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/82

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Parle beaucoup, et prend la plus active part
À la discussion du moment ; son regard
Est encore éveillé, mobile, prompt, vivace
Parmi les mille plis et rides de sa face,
Et son esprit, toujours en éveil et présent,
Ne pourrait rien laisser échapper ; en causant
Elle lève sa main soigneusement gantée ;
Pour préciser sa phrase elle serait tentée
De dresser son index isolé ; mais sa main
N’est plus souple ; le doigt s’arrête à mi-chemin ;
Étant donné son âge, il faudrait un prodige
Pour l’agilité qu’un tel mouvement exige ;
La vieillesse a déjà paralysé, raidi
L’articulation ; son geste est moins hardi
Qu’elle ne voudrait. Près d’elle une femme osseuse,
Mécontente de son sort, gênante, boudeuse,
Se tient coite dans son coin ; sous son pince-nez
Ses regards refrognés sont un peu détournés,
Ne s’intéressent à rien ; c’est une pimbêche,
Une femme sans cœur, antipathique et sèche,