Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/10

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Durant sa lecture Échenoz avait remarqué entre tous l’épisode suivant.

Quand Ibn Batouta entra seul à Tombouctou, une silencieuse consternation pesait sur la ville.

Le trône appartenait alors à une femme, la reine Duhl-Séroul, qui, à peine âgée de vingt ans, n’avait pas encore choisi d’époux.

Duhl-Séroul souffrait parfois de terribles crises d’aménorrhée, d’où résultait une congestion qui, atteignant le cerveau, provoquait des accès de folie furieuse.

Ces troubles causaient de graves préjudices aux naturels, vu le pouvoir absolu dont disposait la reine, prompte dès lors à distribuer des ordres insensés, en multipliant sans motif les condamnations capitales.

Une révolution eût pu éclater. Mais hors ces moments d’aberration c’était avec la plus sage bonté que Duhl-Séroul gouvernait son peuple, qui rarement avait goûté règne aussi fortuné. Au lieu de se lancer dans l’inconnu en renversant la souveraine, on supportait patiemment les maux passagers compensés par de longues périodes florissantes.