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grand poète satirique Missir, dont les œuvres, parvenues en partie jusqu’à nous, avaient jadis coïncidé par leur apparition avec l’apogée de Balbek.

Satirique lui-même, Gilbert admirait fanatiquement Missir, qu’il considérait à juste titre comme son aïeul spirituel.

Dès le premier jour, le voyageur se fit conduire sur la place publique où, d’après la tradition, Missir venait à certaines dates fixes réciter devant la foule, religieusement attentive, ses vers nouvellement éclos, en scandant sa déclamation un peu chantante par les tintements continuels d’un sistre impair.

Gilbert avait lu maintes pages contradictoires et pleines de passion véhémente, inspirées aux divers commentateurs de Missir par cette assertion populaire, qui, fort accréditée, prêtait au grand poète un sistre exceptionnel. Certains déclaraient le fait impossible, en s’appuyant sur ce que les vibrantes tiges métalliques transversales de tous les sistres antiques représentés sur les dessins et documents se trouvaient au nombre de quatre ou de six ; ceux-là invoquaient en outre le témoignage des fouilles, qui jamais n’avaient mis au jour un sistre impair. Selon d’autres, il