Aller au contenu

Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de serge noire, contenant un grand objet plat jusqu’alors debout sur le sol contre un des pieds de la table.

Les tarots, exhalant à l’envi force notes cristallines et charmeuses, donnaient un ample concert hétéroclite, tous abattus maintenant par Félicité, qui, tendant l’oreille pour comparer le talent de chacun, entreprit d’éliminer ceux dont le rythme trahissait de l’apathie, — les réduisant brusquement au silence par la simple action de les remettre debout dans sa main. Bientôt les plus délurés seuls restèrent actifs — puis, ramassés un par un à leur tour, laissèrent la place entière à la maison-Dieu, tarot dont l’allegro vivace primait tout par son brio joyeux.

Douée d’une étrange puissance de pénétration, la poudre s’insinuait rapidement dans la peau de la Soudanaise. Quand le dernier grain fut absorbé, Canterel fit un signe à Félicité, qui, penchée vers la table, chanta tout près de la maison-Dieu un tendre motif mélancolique. Interrompant aussitôt son allégro, le tarot, délaissant toute combinaison harmonique, joua sans faute en pleine sonorité, à la fois dans l’aigu et dans le grave à deux octaves d’intervalle,