Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/412

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jeune pâtre allait s’asseoir pour jouer du bagpipe en surveillant de loin ses troupeaux. Refrain favori du jouvenceau, les Campanules d’Écosse — dans leur ton original de fa majeur — revenaient sans cesse, imprégnant les émerauds, qui, dotés plus tard d’un pouvoir musical, s’étaient efforcés d’ébaucher le motif sommeillant dans leur mémoire, jusqu’au jour où, grâce à un guide, ils avaient retrouvé l’œuvre entière. La joie dénoncée alors par l’excessive accentuation de chaque auréole devait s’attribuer à l’enivrante évocation fugitive de leur froid climat natal, qui, dans une atmosphère nouvelle, trop douce pour eux, leur inspirait sans doute quelque regret nostalgique.

Hantée par le plus impressionnant détail de l’aventure du touriste anglais, Félicité, chantant elle-même en fa aux émerauds — prompts à le jouer dès lors à sa suite dans le bas en même temps que dans le haut — l’air des Campanules d’Écosse appris par cœur, obtint à volonté des halos aveuglants, qui creusaient mystérieusement sans douleur la peau de ses mains exposées au-dessus d’eux. Le ton original était favorable à l’unanime resplendissement des halos, en per-