Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/461

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la voix avait toujours gardé de claires notes émotionnantes, mourut presque centenaire aux premiers froids d’un hiver précoce, léguant à Noël, outre la somme récemment acquise, le dernier des quatre précieux rouleaux métalliques donnés par le comte de Ruolz.

Noël, atterré, vit avec effroi partir son bienfaiteur et unique ami. Secoué par les sanglots, il suivit seul, absolument seul, le corps du vieux musicien jusqu’au cimetière…

Puis il revint, tout chancelant, dans la chambre où avait agonisé son cher compagnon.

Désormais, Noël était maître de sa personne. L’année précédente, en repassant avec Vascody par la ville de leur première rencontre, il avait appris le décès de son père, peu à peu miné par l’alcool.

Il continua d’errer sans trêve en disant la bonne aventure et, pour égayer sa solitude, prit des bêtes qui, dressées par lui, corsèrent son répertoire. Tour à tour un chien, un chat et un singe, morts depuis, étonnèrent les curieux par leurs manigances divinatoires. En dernier lieu, Mopsus, ingénieusement éduqué, dépassa l’art de ses trois devanciers.