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Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/230

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Philippe II préparait alors sa fameuse expédition contre l’Angleterre ; Lope voulut y prendre part et il s’embarqua sur l’invincible Armada. On sait le dénouement de cette funeste entreprise.

À son retour il voyagea en Italie, comme secrétaire de certains grands seigneurs espagnols.

Puis, il revint à Madrid, et comme il était toujours inconsolable il convola en secondes noces. Il n’avait alors que trente ans, et il entra dans la carrière dramatique, la seule carrière littéraire qui rapportât quelque argent.

Le goût du théâtre était alors très répandu en Espagne, où l’on comptait quarante troupes de comédiens. Les comédies ne se vendaient pas cher, et Lope de Véga en vendit lui-même pour 200 francs ; mais le célèbre auteur pouvait faire une pièce en vingt-quatre heures. Le succès qu’il obtint fut énorme.

Cervantès, son contemporain et son émule dans les lettres, en parle avec enthousiasme. « Alors, dit-il, parut le prodige de la nature, le grand Lope de Véga qui s’empara du sceptre de la monarchie comique, assujettit et réduisit sous sa domination tous les comédiens, et remplit le monde de comédies heureuses, convenables, bien conduites, et en si grand nombre qu’elles ne sont pas contenues dans dix mille feuilles. »

Sa renommée devint universelle, et ses pièces furent jouées à Naples, à Milan, à Constantinople, à Vienne, à Bruxelles et jusqu’en Amérique.

À ses succès littéraires se joignit un bonheur domestique très rare, et qui dura vingt ans.