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On vante les grottes, aux voûtes desquelles la nature a sculpté des milliers de stalactites ; mais ici l’art a fait mieux que la nature, et jamais il ne s’est montré plus prodigue d’ornements.

Que vous dirais-je maintenant des chapelles particulières ? Comment vous décrire celle du duc d’Abrantès, qui est une broderie de marbre et d’or dans un fouillis de dentelles de pierre ? Quels coups de pinceau pourraient vous représenter le chœur avec ses stalles étonnantes, et la capricieuse variété de leurs sculptures ? Quel volume subirait à vous énumérer les chefs-d’œuvre de peinture, de sculpture, d’architecture, que l’on trouve entassés dans les chapelles, dans les sacristies, dans les nefs, dans les boiseries, dans les colonnes, dans les autels, dans les tombeaux, dans les portes, dans les grilles, dans les arceaux, dans les fenêtres, et jusque dans les moindres détails de cette immense et splendide cathédrale ?

Non, je renonce à ce travail impossible. C’est quand on a vu ces merveilles que l’on sent combien les hommes d’aujourd’hui sont petits. La foi et le génie qui élevaient ces monuments ne sont plus, et ne feront jamais ces merveilles que les XIIIe, XIVe et XVe siècles nous ont léguées.

Quand je sortis de la cathédrale de Burgos, il me semblait que j’avais traversé tout un monde évanoui. Une mélancolie profonde m’oppressait, et, comme Théophile Gautier lui-même l’éprouva, tout viveur qu’il fût, je n’aspirais plus qu’à me retirer dans un coin, à me mettre une pierre sous la tête, pour attendre dans