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Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/325

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africain, que nous contemplions ensemble des hauteurs de Gibraltar, miroitait dans tes prunelles, et exerçait sur ta jeune imagination une attraction puissante.

« Allons, me disais-tu, avec une impatience mal contenue, partons pour l’Afrique. J’ai vu l’Alhambra et les alcazars des rois Maures, je veux maintenant voir les Maures chez eux. J’ai vu Séville, Grenade, Cordoue et Tolède, les villes mauresques de l’Espagne, je veux voir maintenant les cités arabes du littoral africain. J’ai vu l’Atlantique et ses vagues profondes, je veux voir l’océan de sable et ses dunes mouvantes… »

Et, quand tu parlais ainsi, tes yeux étincelaient, comme s’ils eussent eu un reflet de ce qu’un poète a appelé l’âme arabe. À dix-sept ans, le nouveau, l’étrange, le mystérieux attiraient déjà tes instincts de femme.

Eh ! bien, nous l’avons fait ce voyage aux pays qu’habitent les fils du prophète, et ce sont tes impressions aussi bien que les miennes que tu retrouveras dans ce volume. Car jamais deux cœurs de voyageurs n’ont vibré plus à l’unisson.

J’ai été ému de tes émotions, joyeux de tes joies, heureux de tes bonheurs, enthousiaste de tes enthousiasmes. Toutes tes sensations ont eu leur écho en moi.

Plût à Dieu que mon esprit eut pu garder toute la jeunesse, la vivacité et les allégresses du tien !