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de promenoirs, dont les murs sont nus, massifs, sombres, et si hauts qu’ils vous cachent le ciel. Vous voulez retourner sur vos pas, mais vous ne savez déjà plus par où vous êtes entré.

Enfin, vous levez une portière, vous entendez un chaut lugubre et lointain, vous avancez : des piliers énormes comme des tours se dessinent dans l’ombre ; vous marchez toujours, guidé par les voix et l’orgue, dont l’harmonie devient plus distincte ; vous levez les yeux, et vous poussez un soupir de soulagement ; car devant vous se dresse l’autel illuminé, et sur votre tête s’arrondit, à une hauteur immense, une coupole décorée de fresques magnifiques.

Nous sommes dans l’église, et, comme c’est l’anniversaire de la mort de la reine Marie Christine, on y célèbre un service solennel pour le repos de son âme. Cinq ou six femmes, agenouillées dans la chapelle qui porte le nom de la défunte, composent toute l’assistance, et les prêtres qui officient sont perdus dans l’immensité et la solitude du sanctuaire. Un chœur assez nombreux, dont l’écho multiplie les voix dans une proportion formidable, est logé quelque part dans le jubé de l’orgue, mais il reste invisible.

En arrière d’un pilier de colonnes fuselées, capable de porter un monde, s’ouvre un grand escalier de marbre noir, veiné de blanc, conduisant au campo santo des rois. Nous y descendons jusqu’à une profondeur immense, sous les assises du sanctuaire, précédés d’un sacristain qui porte une mèche allumée, et nous arrivons à une rotonde funèbre, autour de laquelle sont étagés les tom-