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Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/331

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à mordre. Puis, il reprend sa ronde avec le serpent suspendu à sa langue dont le sang jaillit. C’est horrible.

Plus loin, c’est un conteur, debout sur un tertre et déclamant avec force gestes et éclats de voix des histoires des Mille et une Nuits. Un auditoire assez nombreux, composé en majorité d’enfants, l’entoure et semble suspendu à ses lèvres.

Hier, ils étaient là. Le conte les captive ;
Ils tendent jeunes, vieux, leur figure attentive,
Comme autour d’une source un troupeau de chameaux.
Ils boivent la sagesse et le doux bruit des mots
Qui coulent de la lèvre aimable du rhapsode · · · · ·
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Et l’étranger s’étonne, et le poète, heureux,
Voit le pouvoir des mots bien accouplés entre eux,
Et comment, en chantant l’épopée ou les drames,
La pensée et le rêve, — on possède les âmes.

Ailleurs ce sont des chanteurs, accompagnés de tam-tams.

Mais soudain des détonations retentissent, et nous attirent dans un autre quartier de la ville. C’est une procession qui conduit un enfant à la Mosquée pour être circoncis. En tête, s’avancent de jeunes garçons montés sur de petits ânes et portant des cocardes. À leur suite, viennent des piétons et des carabiniers marchant quatre de front, têtes et pieds nus, et brandissant de longues carabines incrustées d’ivoire et de cuivre doré.

Derrière eux, cheminent les musiciens qui n’ont pas d’autres instruments que des clarinettes et des tambours. L’air qu’ils jouent est toujours le même et se compose