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L’ANGLETERRE

dèrent, poussèrent un éclat de rire, et se mirent courageusement à replacer les articles épars.

Ce trait me rappela ce que dit F. Wey à ce sujet, et me prouva que si les acheteurs sont encore les mêmes que de son temps, les débitants ont bien changé, et savent maintenant offrir leurs marchandises avec une rare patience. Le spirituel écrivain voulait acheter une canne, et après en avoir lorgné un faisceau dans une vitrine, il entra, se fit montrer un stick, assez joli de loin.

« De près, continue-t-il, il me déplut ; j’articulai laconiquement : No, et j’attendis qu’on m’en présentât d’autres. À ma grande surprise, le marchand retourna à ses affaires ; j’errais dans le magasin, il n’y fit aucune attention et je sortis sans qu’il fît rien pour me retenir. À Londres, on ne fait pas L’article. Je voulus m’en assurer davantage et je franchis le seuil d’une autre maison où je furetai dix minutes, touchant à tout sans rien demander. Pas un mot, point d’offres ni de questions. Je m’éloignai sans desserrer les lèvres, ce qu’on parut trouver naturel. Ailleurs je me fis montrer vingt cannes et à mesure que je les maniais, il me venait une grande envie d’aller acheter des aiguilles. Je remerciai donc le boutiquier d’un signe ; il me salua poliment et je restai émerveillé. »

« Un coutelier était près de là, qui plaça devant moi des aiguilles, ce qui m’inspira le désir d’acheter un couteau. Il m’en offrit un, un seul. J’en voulus plusieurs ; il les aligna, m’indiqua les prix et me laissa en repos. Alors je m’assis, et en regar-