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PARIS

venu à l’idée que ce colossal monolithe, apporté des bords du Nil, avait peut-être été placé là pour cacher l’ineffaçable tache de sang, que le sol devait garder. Car c’est, ici que s’éleva la guillotine en 1793. C’est ici que la nation française a commis son plus grand crime, et que le sang de son roi retombant sur ses enfants, comme le sang de Jésus sur le peuple juif, a fait descendre du ciel un châtiment qui dure encore. Aussi l’obélisque, au lieu de cacher le sang et de faire oublier le crime, semble au contraire en marquer l’endroit et en perpétuer le souvenir. C’est un doigt vengeur montrant aux générations qui passent le ciel où monta le fils de Saint Louis, et d’où descend la foudre qui frappe de temps en temps la France.

Dans une de ses premières poésies, à l’époque où il défendait la monarchie, Victor Hugo rappelle le passage triomphal de Marie Antoinette, le jour de ses noces, sur cette place funeste :

« C’est bien ici qu’un jour, de soleil inondée,
La grande nation dans la grande cité
Vint voir passer en pompe une douce beauté !
Ange à qui l’on rêvait les ailes repliées !
Vierge la veille encor, des jeunes mariées
Ayant l’étonnement et la fraîche pâleur ;
Qui reine et femme, étoile en même temps que fleur,
Unissait pour charmer cette foule attendrie.
Le doux nom d’Antoinette au beau nom de Marie !

Son prince la suivait, ils souriaient entre eux
Et tous en la voyant disaient : qu’il est heureux ! »


Et le poête termine ainsi :