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PARIS

Pontife Pie VII, qu’il devait persécuter et renfermer à Fontainebleau, moins de dix ans après !

Mais les édifices, comme les hommes, ont leurs vicissitudes, et leurs années de gloire sont mêlées de jours de deuil. Dieu lui-même, hélas ! et ses plus beaux sanctuaires ne sont pas à l’abri des profanations !

Un jour, c’était le 10 novembre 1793, les portes de cette cathédrale — qu’un décret révolutionnaire avait transformée en temple de la Raison — s’ouvrirent avec fracas, et une procession de forcenés qui s’appelaient le peuple français, et qui malheureusement gouvernaient alors la France, s’avança au milieu de la grande nef. Ils venaient célébrer la fête de la déesse Raison, qui avait remplacé la Sainte Trinité, et inaugurer solennellement son culte. La Déesse elle-même, qui était selon M. Thiers, la femme d’un imprimeur et selon d’autres une danseuse de l’opéra, se tenait assise sur un siège antique, porté par quatre citoyens, et des jeunes filles vêtues de blanc et couronnées de roses l’entouraient. Elle était vêtue d’une draperie blanche, avec un manteau d’azur flottant sur ses épaules, et le bonnet de la Liberté couronnait ses cheveux épars.

Puis venaient, pour parodier le culte de nos Saints, les bustes de Lepelletier et de Marat, martyrs du nouveau culte. Dans la chaire, où l’éloquence sacrée glorifiait Dieu depuis des siècles, des impies blasphémaient, et le comédien Monvel sommait Dieu de le foudroyer, s’il existait.