Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/331

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L’enfant répond :

« C’est ma bonne qui m’a coiffée, et pas maman,
Parce qu’elle lisait dans un livre. »

— « Un roman ! »

dit Julien à part, et l’enfant reprend :

« Pourquoi faire lit-elle après qu’elle sait lire ? »


Julien


« Ma foi, je serais bien en peine de le dire,
Car elle a constamment ouvert devant les yeux
Le livre le plus pur et le plus gracieux
Que poète ait jamais tiré de sa cervelle…
Un enfant rose et blanc qui grandit autour d’elle !
— Tu ne me comprends pas, mais cela m’est égal,
Va, cher petit roman de mon destin banal,
Ma seule rêverie et ma seule aventure ;
Ce n’est pas moi qui cherche un bonheur en peinture !
Ta présence suffit à verser largement
La gaité dans mon cœur et l’attendrissement ;
Et la seule chimère à laquelle je tienne,
C’est de jeter ma vie en litière à la tienne,
Ô cher trésor !…

C’est ainsi que Julien épanche sa tendresse paternelle, et des larmes montent à ses yeux !

Il me semble que voilà un bon père, un bon époux, et que Gabrielle devrait s’estimer heureuse ? — Eh bien, non, et quand il lui dit qu’il l’aime, elle se plaint qu’il n’y met pas cette ardeur et cet enivrement qu’elle avait rêvés !