Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/339

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Mais tous semblent s’accorder à vouloir guérir par l’homéopathie cette effroyable maladie sociale qui se nomme la prostitution. C’est l’amour qui a jeté cette femme dans la débauche, c’est l’amour qui l’en retirera, pensent-ils, et voici leur canevas ordinaire :

Lorsqu’une femme a bu jusqu’à la lie la coupe des amours coupables, le dégoût et l’ennui s’emparent soudainement de son cœur, et le hasard jetant sur son passage un homme aussi blasé qu’elle, il en résulte tout à coup un réveil de sentiments plus ou moins honnêtes, et elle est sauvée ! Ce n’est pas plus compliqué que cela !

Vous pensiez sans doute qu’après des années de débauche, Madeleine devait se frapper la poitrine, courir vers Jésus, arroser de ses larmes ses pieds divins, les essuyer de ses cheveux, donner ses biens aux pauvres et passer ses jours et ses nuits dans la prière et la pénitence ?

C’est l’enseignement de l’Évangile.

Mais M. Feuillet a la miséricorde plus facile, et sa Madeleine n’a pas besoin de tant de sacrifices pour être pardonnée. Dans une pièce dont le titre même, Rédemption, me semble une profanation d’un des plus adorables mystères de notre religion, il nous représente Madeleine roulant sur la route du crime jusqu’à la satiété, puis s’éprenant subitement d’un amour éthéré, avec une candeur de jeune pensionnaire pour un mirliflore qui cherche des distractions. Mais comme ce nouvel amant doute de sa sincérité — ce qui n’est pas étonnant — elle se désespère, se verse un