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PARIS

dans leur monastère. Après l’avoir guéri, ils avaient réussi un jour à le convertir en lui présentant son fils, et vingt ans après, Ganelon ayant pris le nom de Comte Amaury, vivait inconnu dans le château de Montblois avec son fils Gérald, dont il avait fait un modèle d’honneur, de vertu, de vaillance !

C’est ici que le drame commence, et si vous voulez en bien saisir tout l’intérêt, ne perdez pas de vue les relations qui existent entre les principaux personnages — Berthe, fille de Roland, mort à Roncevaux par la trahison de Ganelon — Gérald, fils de ce même Ganelon, qui porte le nom d’Amaury.

Gérald ignore sa véritable origine et le vrai nom de son père ; mais Amaury ne l’a pas oublié, lui, et ce souvenir est le tourment de sa vie.

................................ Il est des crimes tels,
Que, même l’arbre mort, ses fruits sont immortels !

Comment ne pas voir dans son fils le frère de sa victime ? Et dès lors la vue même de ce qu’il aime le plus au monde lui rappelle constamment sa honte. Ce fils qu’il adore est un remords vivant qui se meut sous ses yeux, qui le regarde, qui lui parle, qui exalte la mémoire de Roland, qui pleure sa mort funeste, et qui sans le savoir retourne sans cesse le glaive dans le cœur de son père.

Tout son cœur bondit d’effroi, quand il songe que son fils pourrait un jour lui dire :

............................................ Ma mère
Fut celle de Roland ; qu’as-tu fait de mon frère ?