Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
376
PARIS

vient avec Gérald lui déclarer leur mutuel amour, Ce noble et pur sentiment de la fille de Roland pour le fils de Ganelon lui paraît horrible à lui ; mais à eux qui ne savent rien, que leur dire ? Comment les détourner de cet entraînement funeste ?

Amaury objecte la distance sociale qui les sépare, et la souveraine autorité de Charlemagne ; mais Berthe lui répond.

« Comte, croyez-vous donc que je n’y songeais pas ?
« Charlemagne lui-même, en un sujet si grave,
« N’a jamais à mon choix imposé nulle entrave.
« Il me connaît ! Ni lui, ni moi, n’avions trouvé
« L’époux au cœur vaillant tel que je l’ai rêvé ;
« Gérald, lui seul, parmi les hommes du même âge,
« Des héros d’autrefois m’a retracé l’image.
« Mais il faut plus encore, il faut que mon époux
« Même dans le passé, soit le premier de tous ;
« — Qu’il ne me suive pas à la Cour ; je préfère
« À ce que je ferais pour lui ce qu’il doit faire !
« Parmi tous les seigneurs autour de moi pressés
« Il serait un égal, et ce n’est point assez !
« Pour vous, pour moi, Gérald, voici mon espérance :
« Vous savez quels exploits les paladins de France
« Ont accomplis jadis ; par eux le ciel a fait
« Ce que le monde a vu de plus grand, en effet !
« Vous le savez encore, on le sait trop : la race
« De ces héros s’en va ; — Retrouvez-en la trace !
« Partez comme eux, cherchez comme eux, faites comme eux ;
« Poursuivez les méchants, les criminels fameux,
« Les tyrans, comme on traque au bois la bête fauve,
« Soyez le juste armé qui châtie ou qui sauve ;