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PARIS

leurs. Tous les principaux personnages sont de grands et nobles caractères dont la fréquentation fait du bien, et Ganelon lui-même, converti et repentant, y devient sous la main du prêtre un véritable héros.

On aura beau dire, c’est, dans la vérité catholique que se trouve la source de la véritable poésie, qui n’est vraiment grande que lorsqu’elle y va puiser ses inspirations.

Il y a dans la Mignon de Goethe une allégorie touchante qui n’était pas sans doute dans l’intention du poète, mais qui n’en est pus moins saisissante.

Cette suave Mignon, exilée, voyageuse, en compagnie d’êtres méprisables sur une terre étrangère, chantant au milieu de ses larmes, cherchant un objet digne de son amour, et se souvenant toujours du pays où fleurit l’oranger, n’est-ce pas en effet l’âme humaine ?

N’est-ce pas nous qui nous en allons, errant de rivage en rivage, laissant çà et là quelques lambeaux de nos cœurs, cherchant à étancher notre soif de bonheur à mille sources empoisonnées, mais sentant toujours au fond de notre être un vide immense, un vide profond que rien ne peut remplir, et nous souvenant malgré nous de cette patrie céleste d’où notre âme est venue et vers laquelle elle veut remonter ?

Mais ne pouvons-nous pas-aussi bien appliquer cette allégorie de Mignon à la Poésie, sortie de sa sphère, courant après le succès et la fortune, et ne se ressouvenant qu’à de rares intervalles de la vérité