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PARIS

et bienveillant, tantôt profond et tantôt léger, parfois mélancolique et parfois très gai, toujours débordant de pensées qu’il revêt des formes les plus saisissantes et les plus originales. C’est le causeur le plus aimable et le plus sympathique, et je suis convaincu que ses adversaires les plus acharnés seraient devenus ses amis s’ils avaient pu causer avec lui de temps en temps. Il y a des hommes dont les écrits sont modérés et conciliants, mais qui sont intolérants dans la conversation et qui prennent feu à la moindre contradiction. M. Louis Veuillot est tout le contraire : c’est sa plume qui prend feu en courant sur le papier, qui se grise en quelque sorte, et lance aux contradicteurs des sarcasmes que sa bouche n’aurait pas proférés.

On se plait à voir toujours en lui le grand polémiste, et l’on semble n’y pas voir les autres faces de son tempérament d’écrivain. On lui reproche sa violence, et je suis sûr que lui-même ne se juge pas irréprochable sous ce rapport. Mais il faudrait tenir compte des circonstances dans lesquelles il s’est trouvé placé, de l’inévitable entraînement de la lutte et de ses représailles, des excès de ses adversaires.

Il faut surtout, pour bien juger M. Louis Veuillot, ne pas perdre de vue la variété des facultés de son immense talent. Sans doute, son rôle, son influence, sa vie, ses œuvres, révèlent surtout chez lui le polémiste incomparable. Mais s’il eût vécu à une autre époque et dans d’autres circonstances, peut-être eût-il écrit bien différemment.

Il était né écrivain ; c’était bien là sa vocation,