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coliques où ces souvenirs me reviennent à l’esprit aussi frais, aussi vivaces que s’ils étaient d’hier. Je les vois cependant qui s’en vont et s’éloignent comme la voile qui disparaît à l’horizon, et peut-être viendra-t-il un temps où ils surnageront à peine, comme de chétives épaves, sur l’océan du passé.

Cette heure n’a pas encore sonné pour moi, et mon âme ressaisit toujours sans effort ces suaves émotions, ces touchantes impressions que les souvenirs d’enfance y réveillent. Le souvenir est le mirage du passé, comme l’espérance est le mirage de l’avenir ; mais celui-ci ne cache le plus souvent à nos regards que des illusions et des mensonges, tandis que celui-là voile au fond de nos âmes de délicieuses réalités.

Tu sais que dès ma sortie du collège mes goûts naturels me portaient à la littérature ; et si elle eût été une carrière, tu sais avec quel plaisir j’y serais entré. Mais tous ceux qui me portaient quelque intérêt me détournèrent de cette voie, et je suivis leurs conseils.

Mais lorsque les premières nécessités que la vie réelle impose furent satisfaites, lorsque l’avenir ouvrit devant mes pas des horizons plus vastes, un chemin plus assuré, mon penchant littéraire m’a entraîné avec une force nouvelle. J’ai écrit ; on m’a encouragé, et le premier volume que je publie, c’est à toi que je l’adresse.

Il se compose en grande partie d’écrits publiés dans les journaux, et c’est à la demande de mes amis que je les réunis en volume, après les avoir revus, corrigés et augmentés, suivant l’antique usage. On a pensé, et