Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/118

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— « Un prophète ? répondait Mgr  Taché ; oui, je vous le dis, et plus qu’un prophète ; car c’est un apôtre que nous sommes venus voir et un précurseur du règne de Jésus-Christ dans cette solitude ignorée du monde. C’est un fils né de la femme, comme Jean-Baptiste, mais qui a tout sacrifié, tout abandonné comme lui, et qui pour patrie a choisi le désert et pour famille les sauvages enfants des prairies et des bois.

« Ah ! nous comprenons votre joie en ce jour, Monseigneur ; mais elle est une bien faible compensation aux amertumes de l’exil, aux tristesses de l’isolement, aux douleurs et aux fatigues de l’apostolat.

« Tout missionnaire dans ces contrées peut dire comme l’apôtre des nations : une carrière immense est ouverte devant moi et c’est au prix de tous les dévoûments qu’il achète les joies spirituelles que la Providence lui répartit de temps en temps.

« Réjouissez-vous, Monseigneur ; car les semences que vous jetez en terre sont en pleine germination. Que dis-je ? Il en est déjà qui portent leurs fruits, et le jour viendra où vous pourrez dire comme Saint-Paul : « J’ai sujet de me glorifier près de Dieu dans le Christ Jésus… »

Le dîner s’acheva au milieu des rires et des gais propos des convives, parmi lesquels se trouvaient plusieurs des hommes les plus marquants de Prince-Albert, et