Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/271

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Nous avons, pendant quelques instants, perdu de vue le Cheval-qui-rue. Au fond de la vallée, le torrent a pris ses ébats ! il s’est éparpillé, répandu en plusieurs ruisseaux. Mais bientôt nous le retrouvons grossi et plus incontrôlable.

De temps en temps, il tente de nous échapper, en tournant brusquement, ou en se précipitant en bas de quelque rocher. Mais nous courons plus vite que lui, et quoique nos détours soient plus longs nous réussissons toujours à le rattraper.

Tantôt les monts se rapprochent et tantôt ils s’éloignent ; mais, loin de s’abaisser, on dirait qu’ils grandissent encore. Évidemment, l’humilité est chez eux une vertu inconnue. Dame ! ils ont joliment raison d’être orgueilleux. Il ne manque pas d’hommes qui le sont autant qu’eux, et qui ne sont pas si haut placés !

Avec ça qu’ils paraissent avoir beaucoup travaillé du cerveau ; car ils ont la tête chauve, comme certains faux jeunes gens que je connais, et qui n’ont pas perdu leurs cheveux dans les veilles scientifiques.

Plusieurs sont très maigres et même décharnés. Souffrent-ils de dyspepsie, les malheureux ? Je leur offre mes sympathies d’autant plus volontiers que je partage leur affliction.

En voici un qui est un vrai squelette, mais le squelette d’un géant, Je dirais qu’il a grandi à l’ombre, si quelqu’autre avait pu lui porter ombrage.