Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/340

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le gazon ; mais émailler n’est pas assez dire, elles l’envahissent, elles le recouvrent, elles en font un tapis brodé d’une épaisseur et d’un moëlleux qui éclipsent tous les tapis de Turquie du monde entier.

« Mais ce que j’aime à voir surtout dans la prairie, c’est mon troupeau. Quand vers, le milieu du jour je vois s’acheminer vers la rivière, bœufs, vaches, génisses et petits veaux, ou quand mon troupeau de moutons est bien groupé au versant d’une colline, c’est un spectacle qui ravit mes yeux.

« Lorsque nous étions ensemble dans le 9e bataillon de Québec, tu te souviens que j’aimais particulièrement les revues.

« Eh bien, j’ai ici mes revues, que je fais en qualité de général-en-chef. Au moins une fois par semaine, je fais, à cheval, l’inspection de mes troupes. Je passe dans les rangs, je fais l’appel, et si tous ne répondent pas, je cours la prairie, la montagne et les bois pour rallier les déserteurs ; quand ils se montrent récalcitrants, je les mets aux arrêts.

« Au printemps, je m’occupe tout spécialement des recrues — c’est-à-dire des veaux et des agneaux — et mon cœur se dilate quand je vois que ma troupe s’est augmentée de quelques pioupioux.

« Mais je crains bien de n’être pas compris. Tu ne connais pas tout l’intérêt que peut faire naître un troupeau, et jusqu’à quel point on s’y attache. Quand il