Page:Routhier - La tempérance et les destinées du Canada, 1911.djvu/13

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qui serait mieux désignée sous son vieux nom de Nouvelle-France vivra. Monseigneur l’Évêque d’Orléans nous a démontré, dans son admirable discours, que la France ne meurt pas. Mais alors pourquoi la Nouvelle-France mourrait-elle ? Pourquoi aurait-elle moins de vitalité que sa mère, quand elle est plus jeune, et… osons le dire, plus vertueuse ?

Et si on me reproche de trop vanter mes compatriotes, je répondrai que j’imite Monseigneur l’Évêque d’Orléans. Je ne puis choisir un meilleur modèle. J’ajouterai que je loue mes compatriotes pour faire plaisir aux Français, comme Monseigneur l’Évêque d’Orléans vante ses compatriotes pour nous faire plaisir. J’affirme de plus que la Nouvelle-France ne sera jamais fusionnée, ni assimilée dans le régime quelconque qui pourrait succéder au régime actuel, et que son rôle dans les destinées du Canada aura toujours son caractère propre, sa physionomie à part, son idéal supérieur et sa noblesse native. Et le principal motif de ma certitude, c’est que je crois son rôle providentiel.

Messieurs, la plupart des hommes d’État nous gratifient d’un sourire quand nous faisons intervenir la Providence dans l’histoire des nations. Mais leur scepticisme élégant n’ébranle pas notre foi, et plus nous étudions notre histoire, plus nous reconnaissons les soins tout particuliers que la Providence a pris de nous. Voyez plutôt.


Elle nous a choisis dans une race choisie, qui brillait à la tête de toutes les nations et qui portait avec elle toutes les lumières de la civilisation. Elle nous a donné pour patrie l’immense vallée du plus beau fleuve du monde, territoire très vaste, très salubre et très riche. Un jour, après un siècle de gloire, écrasée par le nombre, la Nouvelle-France est tombée, blessée à mort en apparence ; on croyait bien que les Plaines d’Abraham étaient son lit funèbre, et que le drapeau fleurdelisé était son linceul. On se trompait. C’était la Providence qui la sauvait, en la séparant de la France, qui allait entrer dans une ère de révolutions qui dure encore.

Mais on crut alors que la pauvre vaincue allait être écrasée sous le joug tyrannique d’Albion, ou noyée dans l’immigration britannique. On se trompait encore. Pour nous donner toutes les libertés nécessaires, la Providence se servait de l’Angleterre, qui les refusait à l’Irlande ; et pour nous permettre de grandir elle nous a donné plus d’un siècle de paix, sous la protection de cette seconde mère patrie que nous avions tant combattue. Tout cela ne prouve-t-il pas que le Christ, qui a toujours aimé les Francs, a mis en nous ses complaisances ? Enfin, messieurs, la Providence nous a donné pour patron le plus grand des enfants des hommes, le Précurseur du