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LE CENTURION

font les hommes, le favorisent, il laissera sans doute un nom dans l’histoire ; mais comme bien d’autres, que l’on a cru être, ou qui ont été des grands hommes, il ne laissera pas autre chose. Il sera comme le navire qui trouble profondément les flots qu’il sillonne, et qui ne laisse derrière lui qu’un blanc sillage bientôt effacé.

Que veut-il ? Je l’ignore. J’ai interrogé ceux qui l’ont entendu, et je n’ai pu rien apprendre qui puisse nous faire connaître ses desseins et sa véritable ambition.

Nicodème. — Son ambition ! C’est ce dont Caïphe et les princes des prêtres l’accusent, mais cette accusation ne tient pas devant le fait suivant que j’affirme :

C’est qu’il prévoit sa mort prochaine, qu’il l’annonce, et qu’il ne fait rien pour l’éviter. Au contraire « il la veut », parce qu’il dit qu’elle est nécessaire à l’établissement de son royaume.

Pilatus. — Alors, c’est un fou !

Nicodème. — Ou bien, c’est un Dieu. Voyons, gouverneur, raisonnons un peu. Voici un homme qui a 33 ans. Il est dans toute la vigueur de la santé. Il est doué de toutes les plus brillantes facultés, et de dons si extraordinaires que la raison humaine ne peut les expliquer. Le peuple l’aime et l’admire. Les foules le suivent jusque dans le désert, pour entendre ses discours, sans songer à emporter avec elles de quoi se nourrir. Là, il les nourrit miraculeusement. Elles veulent le faire