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Page:Routhier - Le Centurion, roman des temps messianiques, 1909.djvu/209

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LE CENTURION

— Vous souffrez cependant ?

— Oui, et plus je souffre, plus je désire souffrir, parce que mes souffrances font mes délices.

— C’est bien étrange.

— C’est étrange pour vous qui ne connaissez pas la nature du sentiment qui m’attache à Jésus de Nazareth. Autrefois, j’avais soif d’amour comme aujourd’hui, mais je le cherchais dans les voies qui éloignent de l’amour vrai, de l’amour parfait.

Voilà ce que le prophète de Nazareth m’a fait comprendre, et maintenant je suis la voie opposée ; je goûte cet amour idéal qui se donne tout entier à l’objet aimé, pour être transformé tout entier par lui.

— Ô Myriam, je ne comprends pas. Vous parlez une langue qui m’est inconnue.

— Peut-être. Car cet amour dont je parle transforme l’être humain. Il le rapproche de l’Être divin, et il lui fait parler un langage surhumain. Mais quand vous aimerez vraiment Jésus de Nazareth, vous comprendrez ce langage.

— Ô Myriam ! vous m’ouvrez des horizons trop vastes pour mon faible entendement. Je ne puis vous suivre dans les hauteurs où vous planez.

Mais tout ce que vous m’avez dit m’a fait du bien. Je me sens meilleure. Pourrai-je revenir vous voir encore ?

— Quand vous voudrez. Mais, dites-moi, quels sont les sentiments de votre ami Caïus pour Jésus ?

— Il l’admire, il le défend, et je ne serai pas surprise s’il devient son disciple.